2011 – ASSEMBLEE GENERALE CONSTITUTIVE BES DU NIAKK: Discours de Serigne Mansour Djamil


Eminences, représentants les familles religieuses au Sénégal,

Mesdames, Messieurs, les représentants des organisations politiques sœurs,

Mesdames, Messieurs, les représentants de la société civile,

Mesdames, Messieurs, les responsables de la Diaspora,

Mes chers camarades délégués des cellules de Bes Du Ñakk à travers le Sénégal,

Sénégalaises mes sœurs, sénégalais mes frères,

Je voudrais, avant toute chose, exprimer ma gratitude au Directoire de Bes du Ñakk pour l’occasion qui m’est offerte de pouvoir, à cette Assemblée Générale Constitutive, saluer pour la première fois, les invités. Beaucoup d’amis sont là aujourd’hui, des amis militants de longue date et d’autres plus récents, des icônes du mouvement démocratique sénégalais, toutes générations confondues. N’eut été le séminaire de Benno Siggil Sénégal, qui se tient à l’instant même, ils auraient pu être plus nombreux. Néanmoins, ceux qui sont là sont représentatifs des forces patriotiques. On pourrait partir d’ici pour un rassemblement du 23 Juin, du 23 Juillet ou du M23.

Je salue, chaleureusement, toutes les familles religieuses ici présentes : la famille de Seydi El Hadji Malick Sy, naturellement en la personne de Serigne Mame Alpha Sy, représentant mon oncle et ami Serigne Maodo Sy Dabakh, et au-delà, toute la famille d’El Hadji Malick Sy. Serigne Maodo m’avait promis au mois de Mai, à Paris, d’être présent ou de se faire représenter à l’Assemblée Générale. Il a tenue sa promesse. Merci mon Cher oncle.

Il y a deux jours, une délégation de Bes Du Ñakk a rendu visite à Serigne Mansour Sy, le Khalife général des Tidianes, qui nous a bien reçus et nous a comblés de son savoir scintillant, de ses prières et de sa générosité. Il nous a remis beaucoup d’argent, comme contribution pour les repas de la manifestation d’aujourd’hui. Serigne Mansour m’a dit, plein d’humour : « Je ne pourrai pas venir, je te désigne pour me représenter. » Donc je le représente aussi.

Le même jour, le Khalife général des mourides, notre père Cheikh Seydi Moctar MBacké, a reçu une délégation de Bes Du Ñakk, avec cette hospitalité exquise et prévenante qu’on lui connait. Il nous a accueillis et a formulé des prières pour nous et pour la paix au Sénégal. Il nous a, lui aussi, gratifiés d’une grande générosité pour la réussite de l’Assemblée constitutive.

Je rends hommage à la famille de Mame Serigne Touba, représentée ici par Serigne Abdou Samath MBacké, Serigne Fallou Dieng et Serigne Ass Tacko MBacké de notre père Serigne Modou Bousso Dieng. Mention spéciale à la délégation de mon ami, frère et promotionnaire, Serigne Abdou Fatah MBacké de notre père Serigne Cheikh MBacké Gaïndé Fatma. Merci pour les mots pleins de sens et d’élévation que Monsieur xxxx, en son nom, a prononcés à mon endroit et à celui de Bes Du Ñakk.

Merci à Sokhna Medina Madani, la représentante de la famille Oumarienne. Son père Thierno Madani a désigné, devant moi, sa fille, pour diriger la délégation de cette famille religieuse lorsque Bes Du Ñakk est allé lui remettre la lettre d’invitation à l’Assemblée Générale Constitutive.

Le Khalife général des Layènes nous a, lui aussi, reçus à Yoff dans une atmosphère pleine de piété et de ferveur, et a prodigué des prières pour la réussite de notre Assemblée.

La présence de notre ami Serigne Abdoulaye Sall, fils de notre père Serigne Abass Sall et celle du doyen Cheikh Ousmane Diagne de la confrérie Qadir, nous comblent de joie.

Au moment où nous marquons l’acte de naissance de notre organisation, il est gratifiant que le nouveau né, Bes Du Ñakk, bénéficie d’autant de sollicitude et d’élan de sympathie de la part des familles religieuses, toutes confessions et confréries confondues.

Nous saluons la présence remarquée de nos frères et sœurs catholiques, qui jouent déjà un rôle de premier plan à tous les échelons de notre organisation. Nous regrettons de n’avoir pu rencontrer son Eminence le Cardinal Théodore Adrien Sarr, qui se trouve hors du pays.

La valeur ajoutée de Bes Du Ñakk est la prise en compte du fait religieux, grâce à la prégnance de celui-ci à tous les niveaux de la société sénégalaise. Cependant, la visite de Bes Du Ñakk auprès des familles religieuses ne saurait prendre l’aspect d’une quelconque instrumentalisation. Nous n’en avons vraiment pas besoin.

Permettez-moi d’exprimer nos vifs remerciements à Benno Siggil Sénégal, représenté ici par mon ami et camarade de toujours, Amath Dansokho, Président d’honneur du PIT. Merci d’être là Amath et d’avoir fait le témoignage touchant sur notre trajectoire commune et sur les apports réciproques de chacun d’entre nous. Nous vous sommes reconnaissants pour votre soutien indéfectible à Bes Du Ñakk dès sa naissance, alors que vous étiez encore Secrétaire Général du PIT.

Je salue les organisations politiques telles que le PS, représenté par mon amie et sœur Aminata
Mbengue Ndiaye, l’AFP représenté par Dr. Malick Diop, la LD représentée par Cheikh Guéye, l’APR de mon ami Macky Sall qui a généreusement contribué à la réussite de cette Assemblée, et qui est ici représentée par Mbaye Ndiaye et Khady Diaw. Sont parmi nous également, Réwmi de Idrissa Seck, Car Lénéen de notre sœur Amsatou Sow Sidibé, le mouvement citoyen de notre amie Penda MBow, représentant le Benno Alternative 2012, Tekki de notre ami Mamadou Lamine Diallo, représenté par la députée Ndéye Fatou Touré.


Je veux saluer les organisations de jeunesse, de travailleurs, de femmes, les dahiras- toutes confréries confondues-, témoignage chrétien, et l’Association des Femmes Catholiques.

Je me félicite que toutes les forces vives, rassemblées au sein de M23, sont ici présentes. Soyez assurés que Bes Du Ñakk ne ménagera aucun effort pour renforcer l’unité au sein de l’opposition.

Permettez-moi, chers invités, de faire une mention spéciale à tous ces sénégalais qui ont
généreusement contribué à la réussite de notre manifestation : cotisations spéciales de militants de Bes Du Ñakk, contributions de partis et d’organisations politiques sœurs, la société civile, mais surtout les sociétés privées de la place sans lesquelles cette Assemblée Générale n’aurait pu se tenir. Cette générosité nous a permis de prendre toute la mesure de l’étendue de la colère que suscite le régime actuel, de la popularité de Bes du Ñakk et des immenses espoirs que le Sénégal, dans sa phase actuelle, place sur notre organisation. Je peux vous rassurer que ces espoirs ne seront pas déçus. Je voudrais également exprimer la gratitude de Bes Du Ñakk à l’endroit de la Direction de l’hôtel Méridien où le personnel n’a ménagé aucun effort pour la réussite de cette Assemblée Générale. C’est un hôtel où, du reste, j’ai été le premier à avoir organisé en 1991, un séminaire de trois jours sur la ‘’Sécurité alimentaire en Afrique’’, co-financé par la Banque Africaine de Développement, l’Union Africaine, le Gouvernement du Sénégal et la Banque Islamique de Développement. Mention spéciale à mon ami Thierno Diakhaté, ancien Commissaire au pèlerinage, à Aziz Kébé, Professeur à l’Université de Dakar
(UCAD), au Professeur ophtalmologue Alassane Wade, à l’Imam Youssou Sarr et à tant d’autres.

Puis-je exprimer ma profonde gratitude à mon frère Moctar Diack, ancien Vice-président de l’Union Internationale des Etudiants, pour le soutien inestimable qu’il apporte à Bes Du Ñakk, à mes amis El Hadji Malick Sy et Cheikh Tidjane Sy, tous deux anciens Présidents de l’Association des Etudiants Sénégalais de France (ASEF) que j’ai moi-même eu l’honneur de diriger, et à notre camarade Mallé Kassé de Yoonu Askanwi.

Merci à tous les délégués venant de toutes les régions du Sénégal où Bes Du Ñakk a pu s’implanter si massivement, dans les quartiers de la Capitale, en banlieue, dans les villes et les campagnes ; ce qui lui donne l’ancrage populaire que traduit cette atmosphère délibérative et festive de notre Assemblée.

La diaspora n’est pas en reste : ses délégués des Etats-Unis, de la France, de l’Afrique du Sud, du Gabon, d’Italie et de Djeddah sont ici parmi nous.

Merci camarades.

Un hommage mérité aux membres du Directoire National, à tous ces patriotes anonymes qui font le

travail inlassable depuis 2006. Je suis gêné à chaque fois qu’on met en avant Serigne Mansour Sy Djamil, alors qu’il n’est que la partie immergée d’un iceberg plus massif qu’est le Directoire et ses commissions qui ont accompli, en quinze (15) mois, un travail colossal : Ousmane Sané, Aliou Diack, Abdou Salam Fall, le doyen Abdou Aziz Diagne, Cheikh Guéye, Maguéye Kassé, Mandiaye Gaye, Seynabou Gaye, Françoise Corréa, Moussa Dramé, Ibrahima Guéye, Amacodou Diouf, Aïda Niang, Aby Ndiaye, Cheikhou Oumar Sy n°1, Cheikhou Oumar Sy n°2, Oumar Fall, Mame Malick Sy, Bamba Ndiaye, Pape MBaye et Charles Guéye

Merci à tous les membres anonymes de la commission de mobilisation qui oeuvre à la massification de Bes Du Ñakk au quotidien.

Œuvrant dans l’ombre depuis les premiers balbutiements de Bes Du Ñakk en 2006, Maty, en Assistante dévouée, édite tous les textes de Bes Du Nakk, y compris le présent discours. Merci Maty.

Merci enfin à la cellule étudiante de l’UCAD, dirigée par Hervé, pour sa mobilisation, sa constance et sa participation dans les débats.

Par-dessus tout, merci à la commission organisation présidée par Mame Malick Sy, dans ses différents démembrements, pour son efficacité et sa constance. Une mention spéciale à Assata Sy dite Atia, chargée du transport et de l’hébergement sous la conduite experte de notre camarade Ibrahima Guèye.

Je salue le formidable travail collectif et l’effort individuels de chacune et de chacun d’entre vous pour tout ce que nous avons accompli au cours des sept mois de préparation de cette Assemblée Générale transformée en congrès, mené de front avec l’urgence de l’action quotidienne.

Je voudrais souhaiter à tous, la bienvenue et un travail fructueux au cours de cette journée historique, Vous attendez, tous et toutes, beaucoup de nos travaux. Vous vous y êtes engagés depuis des mois avec énergie, passion et lucidité. Les militants de Bes Du Ñakk que vous représentez ici, en attendent également beaucoup. Ils vous ont délégué, avec comme feuille de route réussir l’Assemblée Générale Constitutive. Donc la tache que nous avons à accomplir est de première importance.

Mais cette attente va au delà des rangs de Bes Du Ñakk. Il est vrai que l’angoisse grandit, tous les jours, dans le pays. La combativité également. Beaucoup se mobilisent et disent y’en à marre, da fa dooy, nadeem. Ils sont prêts, après l’échec de l’alternance, à engager, sans tarder, la reconstruction d’une alternative de changement réel, et à remettre, tous les jours, le métier à l’ouvrage.

Lundi matin, en rentrant dans vos quartiers, vos villes, vos régions, vos départements, vos villages, vos entreprises, vos universités, vos daaras ou vos écoles, vous croiserez des dizaines de citoyens qui vous diront : Bes Du Ñakk fu ngueen tolu – Qu’est-ce que vous avez décidé ? Nous n’avons pas le droit de décevoir cette attente.

Mes chers camarades, voici exactement seize (16) mois que naissait le mouvement Bes Du Ñakk, le 08 Mai 2010. Il importe de rappeler que la toute première réunion du Comité d’initiative de ce qui sera plus tard Bes Du Ñakk, avait retenu de convoquer l’Assemblée Générale Constitutive quand les signataires du Manifeste auront atteint la masse critique de 250 à 1000. Mais au vu de la réceptivité du mouvement, de l’explosion du nombre des signataires, et de l’engouement que l’émergence d’un mouvement citoyen avec une nouvelle offre politique, avait créé dans le pays, le Directoire avait décidé de retarder la tenue de cette Assemblée Constitutive et de s’atteler à la structuration des organes, pour réussir la massification de Bes du Nakk à l’intérieur du pays et dans la Diaspora. Mais une situation nationale et internationale riche en événement, les luttes au niveau du pays, (M23, Mbane etc …) et les différentes initiatives dans lesquelles Bes Du Ñakk est impliqué, du fait de la place qu’il s’est taillée dans l’échiquier politique sénégalais, ont obligé le Directoire de reporter, à 3 reprises, la date de l’Assemblée Constitutive. Il a tenu, à sa place, des réunions du Comité d’initiative, élargies aux représentants de toutes les cellules existantes. Ceci nous a permis d’apporter des réponses fondamentales, bien que partielles, à toutes les questions liées à l’organisation et au fonctionnement de Bes Du Ñakk et de ses différents démembrements, dans le contexte de mutations que subissent notre époque et notre société.

Avec l’Assemblée Générale en perspective, nous avons organisé un dîner-débat pour collecter les fonds nécessaires à sa tenue. Nous nous sommes attelés à la préparation de cette Assemblée Générale en créant une commission d’organisation très large, dotée de sous commissions pratiques.

La volonté de respecter, rigoureusement, les procédures d’élaboration et de production de documents de grande qualité, l’interpellation insistante de nos structures et l’attente des populations sur les positions de Bes Du Ñakk sur les questions d’importance liées à l’avenir du pays, ont obligé le Directoire de consacrer la réunion du Comité d’initiative au mois d’août dernier, à la discussion et à l’adoption des textes fondamentaux, et de réserver l’Assemblée Générale d’aujourd’hui pour les entériner par des résolutions et donner à l’acte de naissance de notre mouvement un caractère solennel, avec la participation de nos partenaires du mouvement démocratique, les organisations sœurs et amies de la société civile, et les sympathisants.

Tous les rapports présentés ici ont fait l’objet de délibération et de décisions régulières du Comité d’initiative qui demande à l’Assemblée de les valider.

Il convient d’analyser la situation qui plombe l’horizon et l’immense disponibilité de tant de concitoyens à parler et agir.

Tout en étant lucides sur les difficultés que nous allons rencontrer, nous voilà donc, avec cette
Assemblée Générale, au défi de conclure nos débats d’orientation pour nous hisser à la hauteur de la situation. Ce débat est maintenant engagé depuis seize (16) mois lors du lancement du Manifeste, débat qui a été préparé depuis 2006 par le groupe initial et qui nourrit les interrogations sur la nature de notre organisation et la pertinence de sa création.

Le Comité d’initiative propose à l’Assemblée Générale d’adopter le texte d’orientation stratégique qui fixera notre cap pour les trois années à venir. Ce cap sera notre loi commune. Les résultats des débats au sein du Comité d’initiative ont confirmé la pertinence de nos atouts et validé nos démarches de rassemblements au sein du M23 pour dénoncer la violation de la Constitution, ou au sein de Benno Alternance 2012 pour contribuer à l’émergence d’un candidat de l’unité et du rassemblement qui ne peut découler que d’une construction collective, d’une décision partagée et d’une écoute citoyenne attentive. Pour ce faire, nous avons progressivement nourri un choix -celui de resserrer nos débats autour de trois grandes questions : 1) l’analyse de la nouvelle époque dans laquelle nous sommes entrés, la mondialisation et ses conséquences sur le surgissement démocratique du Printemps arabe, 2)
le projet politique de changement que nous estimons nécessaire et possible de faire avancer dans les échéances électorales à venir, et 3) la question de la nature et de l’avenir de Bes Du Ñakk, de son utilité, de la valeur ajoutée qu’il apporte et de ses articulations dans les conditions existantes, avec les Assises Nationales, le M23, Benno Siggil Sénégal et Benno Alternative 2012.

Beaucoup de militants de Bes Du Ñakk ont validé ce choix, considérant qu’il est le plus fécond pour pousser notre réflexion commune. Le débat a été marqué par une forte exigence d’amélioration des méthodes de travail et de clarification de nos objectifs. Pour mener à bien le travail d’enrichissement attendu de Bes Du Ñakk, il était utile de mesurer le chemin parcouru. Et nous pouvons le faire autour de cinq idées fortes qui structurent le texte d’orientation stratégique et qui ont, de fait, largement guidé le débat. Je veux m’y attarder maintenant dans l’esprit de la clarification que nous appelons de nos vœux :

La première idée est que les peuples ne sont plus prêts à accepter les politiques qu’on leur impose. La deuxième est que nous vivons bel et bien un nouvel état du monde. La mondialisation est la réalité durable de notre époque. La troisième concerne les conséquences de l’alternance et la nature de l’opposition. La quatrième idée touche les acteurs de la transformation sociale. La cinquième idée porte sur le rôle de Bes Du Ñakk dans la situation nationale.

I. Situation internationale

Je ne vais pas aborder en profondeur la situation internationale. Le Pr Aliou DIACK l’a largement traité dans le rapport présenté à la 3e session de notre comité d’initiative d’Avril 2011.

Les deux rapports se complètent, se nourrissent l’un l’autre. Une approche d’ensemble est nécessaire, pour avoir une perception aigüe de la période dans laquelle nous vivons. Sur plusieurs points, son analyse a été validée par les faits. Mais beaucoup d’eaux ont coulé sous les ponts depuis : la chute de GBAGBO, celle de KHADAFI, le procès de MOUBARAK, la mort de BEN LADEN, la crise financière. Il convient ici de saisir la tendance et les enjeux pour mieux comprendre ce qui se passe.

Notre monde traverse une crise de civilisation visible sur le plan économique, financier, écologique, social, éthique mais aussi culturel. La crise est lourde de dangers également au plan démocratique : il existe une volonté de confisquer les libertés individuelles et collectives qui se traduit par une crise de la représentativité. Au vu de cette situation, se propage dans les pays arabes un soulèvement sans précédent. Nous constatons dans ces pays une révolte, impensable, quelques années avant ; « Le Printemps du monde arabe » est comme une aubaine qui tombe du ciel.

Nous sommes dans une situation qui évolue rapidement. Des événements importants et moins
importants, mais toujours significatifs, se sont succédés dans la dernière période. Beaucoup de choses peuvent changer dans les semaines et les mois à venir.

La première remarque qui saute aux yeux est que les peuples ne sont plus prêts à supporter les
politiques qu’on leur impose. L’insurrection des peuples arabes, les révoltes qui grondent en Afrique, l’émergence de lutte de mouvements citoyens en Europe, le mouvement des indignés, la lutte pour de vraies transformations en Amérique Latine, témoignent tous d’une volonté de changements politiques véritables, d’une montée variée, mais très forte, d’exigences politiques et sociales.

Au Chili, un mouvement citoyen déclenché par les étudiants sur la politique éducationnelle du
Gouvernement, surprend les partis d’opposition incapables de le canaliser.

En Espagne, c’est la revendication d’une « démocratie réelle » que réclament les jeunes et moins jeunes « indignés » qui descendent dans la rue pendant des semaines. En Grèce, plus gravement, la population proteste contre la réduction des salaires et les privatisations imposées par le FMI et l’Union Européenne.

Ces protestations n’augurent rien de bon pour l’avenir de l’Europe. Plus surprenant encore, en Israël, où le Gouvernement n’avait pas fini d’exprimer son angoisse par rapport à ce qui se passait chez ses voisins, des manifestations massives se tiennent contre l’injustice, les inégalités sociales et la corruption, avec une vigueur et une durée jamais connues dans ce pays

A. Construction du potentiel d’émancipation

La rupture historique est intervenue le 17 Décembre 2010, lorsque Mohamed Bouaeei, diplômé
chômeur comme on en voit des milliers au Sénégal, accomplit le geste sacrificiel en s’immolant par le feu, dans la ville tunisienne de Sidi Bouzid. Par cet acte christique, il protestait, à sa façon, contre le harcèlement continu dont il était victime de la part de la police qui avait confisqué sa charrette de légumes et fruits.

La Tunisie, et avec elle le monde entier, était à mille lieux de mesurer la portée de son acte. Moins d’un mois après, le 14 Janvier, le dictateur Ben Ali, réputé intouchable, prit la fuite. Moins d’un mois après, le 11 Février, le Président égyptien fut obligé de démissionner après une mobilisation populaire sans précédent contre son régime. En un temps record, l’insurrection fit tâche d’huile au Bahreïn, au Yémen, en Jordanie, en Syrie et en Libye. En moins de neuf mois, la géopolitique du Moyen Orient est profondément secouée.

Ce bref rappel de ces faits relatifs à une révolution qui se passe sous nos yeux, est de nature à mesurer l’ampleur des changements en cours dans le monde arabe et leurs conséquences au delà de ses frontières. La communauté internationale, surprise, a essayé de donner une explication à ce surgissement démocratique. Comme toute révolution, le Printemps arabe n’est pas le produit d’une seule cause, comme toutes les révolutions, il ne vient jamais de nulle part. Comme toutes les révolutions, il ne se réduit pas à la somme des causes qui lui ont donné naissance, car il a créé dans sa dynamique même, l’inédit et l’imprévisible.

Il sera très difficile, à chaud, de comprendre le Printemps arabe, la profondeur de ce surgissement et son impact à long terme, la manière dont il se cristallise, se manifeste, et s’exporte, pour rejoindre des évolutions de plus grande amplitude du fait que la Tunisie, l’Egypte et la Libye n’ont pas des frontières étanches qui les coupent du reste du monde. Des phénomènes similaires apparaissent partout.

B. L’émergence du citoyen

Un premier enseignement qui saute aux yeux est que dans tous les cas cités, on remarque la volonté des citoyens de ne plus se laisser diriger par une élite éclairée. Ceci augure de la maturité de la société civile, qui dans toutes les régions du monde, n’entend plus laisser le citoyen être dépossédé de sa souveraineté et déléguer la totalité des pouvoirs de délibération et de décision entre les mains d’une élite, fut-elle élue au suffrage universel.

C’est une mutation d’autant plus intéressante que les acteurs du Printemps Arabe réclament
maintenant et tout de suite, l’exercice, par le citoyen, des libertés démocratiques que les pays
occidentaux ont conquises pas à pas durant des siècles. Il a fallu à la France la terreur, la restauration, deux Empires, et des bains de sang répétés, pour traduire l’idéal républicain de 1789 qui ne s’est réalisé qu’en 1875 et la laïcité en 1905. Ce mouvement citoyen qui émerge aujourd’hui entend mettre fin à une hyper délégation de pouvoir aux partis, aux Etats et à leurs experts. Un mouvement démocratique inédit se déploie, combinant dans une totalité dialectique, ce qui reste de la représentation politique et de la participation du citoyen à la gestion de l’espace commun. Le citoyen est désormais l’axe central de tout processus démocratique et de tout projet de développement. Vouloir l’ignorer a conduit à la surprise

des gouvernements occidentaux qui ont étalé leur impréparation totale devant la forme prise par le Printemps Arabe. S’il est vrai que les Etats Unis, à travers les notes diplomatiques, n’ignoraient pas le degré de corruption des régimes tunisien et égyptien et le discrédit qui les frappait, ils n’ont pu soupçonner l’ampleur qu’allait prendre le bouleversement.

Une autre leçon est que le Printemps Arabe est le début de la relativisation de la domination occidentale sur le monde. Outre l’apparente impréparation de l’administration américaine face au déclenchement de la révolution arabe, nous pouvons déduire que le Printemps Arabe s’inscrit dans un contexte de perte de contrôle évident des Etats-Unis et d’une manière générale de l’Occident, sur le monde. Les puissances occidentales vont, dans la mesure du possible, « accompagner » les changements en cours dans cette région stratégique ; mais elles ne peuvent plus dicter leur volonté à des peuples qui aspirent maintenant plus que jamais, à la justice, à l’expression des libertés démocratiques, au développement économique et social.

Une nouvelle page est tournée, marquée par l’émergence des sociétés civiles dans l’espace politique, et l’apparition d’une nouvelle tâche confiée aux nouvelles technologies de l’information et de la communication, surtout les réseaux sociaux, notamment Facebook et Twitter , qui ont joué un rôle important dans des révolutions arabes. L’usage des réseaux sociaux n’a pas empêché les manifestations des rues qui exposent les citoyens à des risques énormes. Avec les réseaux sociaux, ces manifestations ont amplifié la portée et l’impact des mobilisations citoyennes. Nous n’assistons pas à des révolutions du petit matin au grand soir dirigées par des partis d’avant-garde avec des militants, organiquement structurés. Nous avons plutôt, devant nous, les artisans d’une démocratie numérique et citoyenne mettant à l’œuvre des « amis » électroniquement reliés. A cause du caractère inédit du phénomène, il nous faudra, dans les mois qui viennent, révéler ce qu’il reflète et ce qu’il masque, et ce que recouvrent réellement des outils comme Facebook et Twitter. Tout comme il nous faudra être attentif à la manière dont la stratégie américaine et occidentale s’adaptera au nouveau contexte, pour essayer de maintenir une forme renouvelée d’hégémonie dans cette région vitale. Comment vont-ils lâcher du lest en gardant l’essentiel, y compris par une nouvelle alliance avec les islamistes modérés?

Quoi qu’il arrive, les révolutions arabes vont laisser leur empreinte dans l’histoire. Les masses
populaires, par milliers, ont déjà payé une lourde tribu pour atteindre leurs objectifs. Beaucoup sont tombés, trop sont tombés. Pour des millions de citoyens dans le monde arabe, en Afrique et dans les autres régions du Globe, privés depuis des siècles de démocratie, de justice, de dignité et d’équité, le Printemps Arabe sera, pour toujours, à la fois un spectacle en direct, une expérience tragique et festive, une référence et un espoir.

Il convient de prendre la pleine mesure de ces mouvements qui bousculent les certitudes et changent la donne, d’un pays à l’autre. Il faut aussi en saisir les limites. La situation des pays arabes est très complexe. Les pays occidentaux, surpris par l’ampleur du mouvement, ont choisi de s’adapter pour mieux les contrôler. C’est le cas en Egypte et en Tunisie où ils ont lâché du lest mais n’ont pas lâché prise. La leçon à tirer est que la pression populaire reste importante contre des régimes à bout de souffle, incapables d’offrir un avenir à leur peuple. Dans ces batailles à haute intensité, les peuples jouent un rôle de premier plan en réussissant des mobilisations considérables et des formes de politisation nouvelle qui marginalisent les formes traditionnelles d’expression politique. Tous ces mouvements lancent le même message : le changement est possible. Bes Du Ñakk y voit s’imposer l’exigence de dignité, l’irrépressible besoin de démocratie, de liberté, de justice sociale et de souveraineté.

Cette montée diversifiée des luttes dans plusieurs régions du globe impose aux progressistes africains et sénégalais, et singulièrement à Bes Du Ñakk, une grande responsabilité.

II. Un nouvel état du monde

D’abord, il faut oser pointer du doigt la cause de ce mécontentement des peuples à l’échelle planétaire.

A. Cause du mécontentement

Les politiques des principales puissances occidentales et de leurs institutions financières constituent une cause essentielle de la crise qui affecte le monde arabe et l’ensemble des pays ayant conclu des accords avec l’Union Européenne (UE). N’est-il pas révélateur que les cinq pays d’Afrique de l’Est touchés par la famine sont tous, ou presque, signataires d’un accord avec l’UE (UE/ACP) qui repose, depuis 1975, sur l’illusion d’une coopération pour le développement ? Mesurez, 36 ans après, l’étendue du désastre. Les partenariats et projets de coopération que les pays occidentaux ont établis avec le monde arabe et les pays d’Afrique et d’Amérique latine, ont largement contribué aux politiques antisociales mises en œuvre dans ces régions : réduction de l’enveloppe consacrée à la santé et à l’éducation, pression sur la masse salariale, alignement et surenchères sur les règles de l’OMC. On reconnaît ici les dispositions néolibérales d’ajustement structurel et les conditionnalités du Fond Monétaire International ; suggérant qu’il faut remonter aux années 80/90 pour comprendre les impasses politiques et sociales d’aujourd’hui.

Les conséquences étaient prévisibles mais l’ampleur a surpris. Cette politique est de plus en plus rejetée par les peuples. Elle est ingérable à cause des contradictions et des problèmes qu’elle créés. Ainsi, la responsabilité de l’UE dans les crises et les impasses du monde arabe est considérable. Le néolibéralisme, avec ses modes de fonctionnement et les stratégies de puissance et de domination qu’il suscite, a atteint ses limites et se trouve dans l’impasse.

Les Etats-Unis, quant à eux, malgré une puissance à nulle autre pareille, ne contrôlent plus les relations internationales à leur guise. Au nom de la lutte contre le terrorisme, ils ont lancé en Irak et en Afghanistan des guerres dont l’objectif stratégique n’échappe à personne. Voulant affirmer leur suprématie avec ces guerres, ces dernières se sont révélées être des revers flagrants. L’Irak est aujourd’hui politiquement divisé, avec un système de pouvoir confessionnel. L’Afghanistan, après 10 ans d’enlisement militaire, est aujourd’hui un pays dévasté, sans sécurité et un échec stratégique pour l’Otan et les USA. Aujourd’hui, la préoccupation des USA est double : le déclin relatif de la puissance américaine, notamment face aux prix exorbitants à payer à cause de leur engagement extérieurs, et l’émergence de nouvelles puissances telles que la Chine, l’Inde, le Brésil.

Nous profitons de cette Assemblée pour soutenir la démarche de l’Autorité Palestinienne au niveau de l’ONU, pour la reconnaissance de l’Etat Palestinien.

Dans cet environnement international -d’agression sociale contre les populations, d’insurrection de la jeunesse, de crise aigue, de redéfinition des rapports de force, et d’impasse stratégique-, la montée des luttes des peuples est comme une aubaine qui ouvre un vrai espoir et appelle, maintenant plus que jamais, à plus de coopération, d’échanges et de solidarité pour les peuples du monde. C’est dans ce contexte qu’il faut analyser la politique de l’ancienne puissance coloniale qui aurait des répercussions dans ses visées stratégiques au Sénégal.

B. La politique Française et ses conséquences

La politique atlantiste poursuivie par Sarkozy a donné un coup de grâce à ce qui restait de la politique gaulliste d’indépendance vis-à-vis des Etats Unis : réintégration complète de la France dans l’Otan, intégration dans le pré carré américains avec l’installation d’une base française dans le golfe persique, initiative de guerre en Libye qui coute à la France un million d’euro par jour. Après avoir reçu KHADAFI en 2007 et Assad en 2008 à Paris, et s’être discréditée en soutenant les dictateurs tunisien et égyptien jusqu’à la dernière minute, la France essaie de redorer son blason en s’impliquant, d’une manière ambigüe, en Libye. La politique française au Moyen Orient est un échec total, de même que le rapport néocolonial qui continue à caractériser sa politique sur le continent africain. La France, malgré ses prétentions à faire la leçon de démocratie au monde entier, continue à soutenir les régimes autoritaires et corrompus, et accorde sa caution aux élections manipulées au Togo, au Gabon, en Guinée Equatoriale, en Mauritanie, au Tchad et au Burkina Faso. Rien n’a changé dans le respect des traditions de la Françafrique dont les révélations succulentes de ces dernières semaines n’en sont qu’une illustration éloquente. Alors que les intérêts du patronat français et des multi nationales sont bien gardées, les moyens de l’aide publique au développement ne cessent de se réduire tous les jours. Telle est la réalité de la politique de l’ancienne puissance coloniale en Afrique. La France s’affaiblit de jour en jour. Toute politique de transformation sociale au Sénégal doit intégrer cet état de fait compte tenu des relations plusieurs fois séculaires avec l’ancienne puissance coloniale et la présence massive du patronat français dans le tissu économique national.

C. Les nouvelles formes de conflictualité

Les conflits Est/Ouest, Nord/Sud du XXe siècle ayant été balayés par l’histoire, les formes de conflictualité internationale ont changé. La nature des risques aussi. Les guerres qui opposaient les Etats sont remplacées par une très grande variété de violences : guerres civiles à l’intérieur du pays, terrorisme, Etat inexistant (Somalie) mais dangereux, piraterie, cyber attaque, le réchauffement climatique et tous les problèmes qu’il pose à la sécurité des populations, les catastrophes naturelles.

Par ailleurs rien que l’économie des trafics illicites (drogues, armes, êtres humains), qui traduit de la manière la plus éloquente le processus de pourrissement systémique et mondialisé du néolibéralisme, dépasse les mille milliards de dollars. Ce capitalisme là est producteur de désastre.

Ces nouvelles conflictualités se sont manifestées dans trois domaines vitaux qu’il nous faut analyser, en connaitre les enjeux liés à la mondialisation et ses répercussions au niveau national. Ces trois domaines sont la question foncière, l’électricité et le téléphone.

1. La question foncière

La question foncière en Afrique est le lieu où se manifestent, tragiquement, les changements intervenus dans les formes de conflictualité internationale. En 2009, la Banque mondiale a publié un rapport intitulé le Réveil du géant africain endormi (Awakening Africa’s Sleeping Giant), qui indique que la production alimentaire mondiale devra doubler d’ici l’année 2050 pour satisfaire la demande et que les acteurs internationaux des secteurs public et privé devraient se tourner vers le continent africain afin de satisfaire leurs besoins alimentaires et énergétiques. En fait, une nouvelle vague d’investissement dans le domaine de l’agriculture a vu le jour. L’objectif principal est d’acquérir le titre foncier, sur les ressources en eau ou toutes autres ressources nécessaires à la production de cultures à des fins alimentaires ou en transformant les récoltes en carburant et en aliment pour le bétail. Cette nouvelle forme d’investissement transforme de façon dramatique le monde rural et elle est souvent désignée comme « l’accaparement des terres ».

En 2010, la Banque mondiale a publié un autre rapport intitulé l’Intérêt croissant pour les terres agricoles (Rising Global Interest in Farmland), qui fournit une évaluation quantitative et qualitative des acquisitions dans le domaine foncier à l’échelle mondiale. Ce rapport montre qu’en 2009, les acquisitions foncières se sont élevées à 45 millions d’hectares, dont 32 millions rien qu’en Afrique. La Coalition internationale pour l’accès à la terre estime que 80 millions d’hectares de terres seront allouées aux investisseurs au cours des prochaines années, dont 50 millions rien qu’en Afrique. Les récentes acquisitions des terres agricoles à travers le continent au profit à la fois des investisseurs locaux et étrangers ne se sont pas opérées dans un contexte social et environnemental responsable et bénéfique aux peuples Africains. Les baux fonciers sont habituellement pour une durée de 50 à 99 ans et, en général, les projets d’investissements n’offrent aucun avantage, ni ne bénéficient à la communauté ou au pays, en termes d’augmentation de possibilités en matière d’emploi, de transfert de technologie, d’améliorations des compétences ou du renforcement des capacités. L’Afrique est au centre des enjeux, en raison de la présumée abondance de terres agricoles, des ressources en eau, du système foncier faible ou inexistant, et de l’échec des gouvernements à protéger convenablement les utilisateurs de la terre.

La motivation de cette nouvelle vague d’investissement est fortement poussée par les besoins en eau.

Les investissements sont regroupés autour des principaux bassins fluviaux, y compris le bassin fluvial du Sénégal, du Niger et du Congo. Les Etats dont les ressources sont rares ou épuisées recherchent la délocalisation pour satisfaire leur besoin en eau en produisant leur culture à l’étranger. Les investisseurs intéressés par les terres agricoles d’Afrique et les ressources en eau en Afrique disposent de liquidités, mais sont touchés par l’insécurité alimentaire, en particulier les Etats du Golfe mais également certains pays de l’Asie. On ne comprend rien de ce qui s’est passé à Mbane et à Sangalkam cette année si on n’a pas une bonne perception des enjeux. C’est l’occasion de saluer le combat courageux de notre ami Aliou Diack et de ses camarades qui ont mené la grève de la faim contre les délégations spéciales dont l’objectif est d’organiser « l’accaparement des terres » pour les multinationales. C’est une bataille décisive pour le développement du Continent.

Les nouvelles formes de conflictualités se manifestent aussi au niveau du secteur de l’énergie.

2. Le problème de l’électricité

Après une période d’accalmie, nous enregistrons aujourd’hui une recrudescence des délestages de longue durée à travers tout le pays ; prouvant l’échec du « plan TAKKAL ».

Le gouvernement, pour se dédouaner, a évoqué plusieurs causes dont la vétusté des centrales

électriques héritées des socialistes ; mais un tel fait ne répond pas à la question suivante : pourquoi, malgré les 700 milliards de francs CFA investis entre 2000 et 2007, le Sénégal reste toujours dans les ténèbres ?

Avec le « Plan TAKKAL », le Sénégal se trouve avec un prix de revient de production de l’électricité qui passe de 118 Frs CFA/kWh auparavant, à environ 130Frs CFA, et une aggravation de la perte, dans le réseau de l’énergie produite !

Aujourd’hui, on note que malgré le « plan TAKKAL », tant acclamé par une partie de l’opinion
internationale et ses défenseurs nationaux , à tort , la SENELEC continue d’être victime de mauvais choix d’investissements, de coûts de production exorbitants de l’électricité, des contraintes budgétaires de l’Etat pour honorer la compensation due, et de la marginalisation de l’expertise de ses cadres et du syndicat de l’entreprise.

Les consommateurs de l’électricité et les PME/PMI ne doivent pas accepter de payer cette mauvaise gestion de l’entreprise, à la place de ceux qui, grâce au retour du gré à gré, ont eu, manifestement, à tirer profit de cette situation.

Le régime n’augmentera pas les tarifs de l’électricité à 4 mois des élections présidentielles (un effort de stabilisation calculé). Il faut craindre que sa victoire fasse rentrer notre pays dans des ajustements de tarifs et de coûts encore plus dramatiques. Il faut donc tout faire pour que l’Etat ne cède pas à la pression instante dy FMI et de la Banque Mondiale pour les subventions accordées au prix de l’énergie.

Après l’électricité, le téléphone constitue un nouveau domaine de conflictualité aigüe.

3. Problématique du téléphone

Le décret 2010-632 visant la mise en place d’un système de contrôle du trafic international entrant au Sénégal est très contesté au Sénégal. Il y’a une grande controverse autour du CONTRAT DIT DE PARTENARIAT ENTRE L’AGENCE DE REGULATION DES TELECOMMUNICATIONS ET DES POSTES (ARTP) ET LA SOCIETE GLOBAL VOICE GROUP (GVG) S.A AYANT POUR OBJET L’ASSISTANCE POUR LA MISE EN PLACE D’UN SYSTÈME DE CONTRÔLE ET DE TARIFICATION DES COMMUNICATIONS TELEPHONIQUES INTERNATIONALES ENTRANTES AU SENEGAL.

Il est contesté le fait qu’une société étrangère (GVG) vienne nous juger et nous demander des comptes en ce qui concerne les appels entrants alors que l’ARTP est en mesure de s’acquitter de cette tâche. Une grande société comme Sonatel voit sa bonne foi remise en cause alors qu’elle déclare de façon honnête le volume réel des appels entrants.

L’AMRP par une DÉCISION N° 127/10/ARMP/CRD DU 15 SEPTEMBRE 2010 annule le contrat de
GLOBAL VOICE.

Ces nouvelles formes de conflictualité provoquée par la globalisation anarchique et violente ont produit de grandes mobilisations, de formidable aspiration populaire à l’équité, à une exigence de dignité à l’irrépressible besoin de démocratie, de justice sociale, de souveraineté au Sénégal et en Afrique en général.

Devant cette accélération de l’histoire, nous avons des tâches spécifiques. Il nous faut d’abord saisir ce qui bouge dans le monde d’aujourd’hui et nous inscrire dans ce mouvement planétaire qui est entrain de changer la donne. Pour ce faire, il convient d’abandonner les références et les grilles d’analyse d’hier.

Devant cette rupture de portée historique, les repères politiques qui furent ceux des partis progressistes ont volé en éclat. Il faut s’adapter à ces changements qui traduisent le besoin d’éthique en politique, le désir de s’impliquer, de décider par soi-même, et qui appelle une réelle prise sur le cours des choses. Il nous faut réfléchir et repenser le monde pour construire un autre avenir.

Les échéances de 2012 doivent révéler un Bes Du Ñakk et une opposition capables d’affronter l’avenir, de relever les défis, et porteurs d’une vision qui reflète les conclusions des Assises Nationales.

III. Situation nationale catastrophique

Notre pays est en souffrance depuis l’an 2000. La situation économique et sociale a empiré avec les hausses vertigineuses et ininterrompues des prix des denrées de première nécessité, dans un contexte de marasme économique, de fermeture d’usines, de rareté des richesses halieutiques et des produits de la pêche, de sabotage de l’agriculture malgré des records de production arachidière, de paupérisation galopante des campagnes, de chômage chronique des jeunes -des villes comme des campagnes-, de crise du système éducatif et de la santé, de crise énergétique mettant à mal le secteur informel pourvoyeur d’emplois et de ressources pour les couches et classes démunies, bref, d’un ras le bol généralisé. S’y ajoute la douloureuse, éprouvante, et socialement insoutenable, situation en Casamance qui n’a connu aucun progrès jusque là.

A. Une Juste Perception des Enjeux

Devant la colère et l’inquiétude qui grandissent au sein de la population, le Gouvernement de Abdoulaye Wade ne répond que par cynisme, arrogance et mépris. Ce régime est constitué par des forces de la réaction, qui ne reculent ni devant l’ethnicisme, ni devant le confrérisme, ni devant le crime, pour défendre leurs privilèges. Cet état de fait a couté au régime sa légitimité et sa crédibilité nationale et internationale, et a développé la maturité de l’esprit citoyen devenu plus exigeant. Notre peuple est plus que jamais à l’offensive pour un avenir radieux et un destin collectif national.

Nous sommes plus que décidés, à Bes Du Nakk, à combattre cette politique, à la faire reculer et à rassembler dans l’action pour d’autres choix. Nous en prenons ici l’engagement. A chaque mesure que prendra le gouvernement à l’encontre des intérêts des populations, il trouvera les militants de Bes Du Ñakk pour organiser la riposte et favoriser le rassemblement. En fait, cette volonté de combat grandit dans le pays. Il convient d’amplifier ces ripostes et construire les chemins vers de profonds changements politiques. Comme avec le M23, le peuple Sénégalais peut compter sur la détermination de nos militants.

Voilà bien le sens des décisions que nous allons prendre au cours de cette Assemblée Générale.

Nous voulons parvenir à conclure le débat dans la clarté en nous rassemblant pour pouvoir, demain, mettre en œuvre nos choix majoritaires, avec efficacité. Ce qui a marqué nos débats au cours des comités d’initiative, c’est le désir profond d’unité. Dans Bes Du Ñakk, nous ne connaissons pas le bal des égos des écuries présidentielles comme au sein de Benno. Nous sommes dans un mouvement d’idées et d’actions où le respect de la diversité est la règle. Nous allons faire des choix clairs et prendre des décisions appropriées parce que la situation-celle du pays, de l’opposition et de Bes Du Ñakk-, l’exige.

Notre diversité demeurera et nous la respecterons dans toutes nos instances. Notre unité sera plus forte, parce que campée sur deux jambes : respect de la diversité et respect du choix de la majorité.

Cette clarté et cette cohérence nous sont nécessaires pour l’action sur le terrain, et pour comprendre le monde présent, ses évolutions, ses contradictions et ses potentialités, dans l’intense affrontement politique et idéologique à l’œuvre partout. Elles nous sont indispensables pour rendre lisible et mobilisateur notre projet, pour sortir du flou des tergiversations et des hésitations que l’on reproche très souvent à l’opposition. Il nous faut approfondir la réflexion sur la perception que les sénégalais ontde Bes Du Ñakk et de son leader.
Les Assises Nationales qui ouvriront la voie à la victoire du 22 Mars 2009 ainsi qu’au mouvement du 23 Juin sont une illustration remarquable de cette exigence de réflexion collective citoyenne nationale , suivie d’une mobilisation populaire et combative. Nous ne pourrons laisser le gouvernement, pour se dédouaner, attribuer ses échecs aux « chocs exogènes », aux perturbations de l’économie mondiale, ou aux externalités négatives

B. La Jeunesse à l’avant-garde de la lutte

La jeunesse sénégalaise, dynamique, généreuse et entreprenante, qui a joué un rôle important dans l’avènement de l’alternance, a aujourd’hui perdu ses dernières illusions sur la capacité du pouvoir actuel à prendre en charge ses aspirations. Bon nombre de jeunes n’attendent plus rien du Sénégal et de ses dirigeants, parce qu’ils sont nés et ont grandi dans la misère. Pourtant, leur seul désir, est de manger à leur faim, de se soigner correctement, d’aller à l’école, et de trouver du travail à la fin de leurs études.

Désespérant de leur propre pays, leur seul rêve est de quitter le Sénégal le plus rapidement possible, espérant trouver le bonheur ailleurs. Victimes des négriers des temps modernes, ces jeunes s’exposent, loin du pays, aux humiliations et vexations de toutes sortes. Dans sa détresse, cette jeunesse se jette dans l’aventure de l’émigration clandestine, avec son cortège macabre de centaines de morts, dans le désert du Sahara ou engloutis dans les profondeurs de l’Océan. Nous ne pouvons qu’exprimer notre colère et notre indignation contre tous ceux qui, par leur égoïsme et leur gestion patrimoniale, poussent, depuis quarante sept (47) ans, beaucoup de jeunes à cette aventure. Ils interpellent la société toute entière et donnent tout leur sens aux angoisses, frustrations, tensions, incertitudes et peurs qui habitent les sénégalais depuis plusieurs années. L’horizon s’est obscurci, l’espoir s’est dissipé pour ces jeunes qui, faute d’alternatives, sont partis parce qu’ils ont compris que, finalement, ce qu’ils attendaient naïvement ne viendrait jamais. Ils sont partis malgré eux, emportant les espoirs de promesses non tenues qui peuplaient leurs rêves.

Vers Bes Du Ñakk, nous constatons un fort ralliement de jeunes désireux de voir du renouveau, une refondation totale de nos instituions. Ils ont très vite compris qu’il n’y a pas sur terre d’autorité si respectable en elle-même, ou revêtue d’un droit si sacré, qu’on puisse la laisser agir sans contrôle et dominer sans obstacles.

C. Oser la rupture

Pour souhaitables qu’elles soient, les ruptures sont rares. Elles exigent une série de facteurs concordants, difficiles à réunir à court terme. Elles supposent, de manière concomitante, l’existence d’une masse de mécontents prêts à agir et d’un Etat dont la légitimité et l’autorité se trouvent contestées par une bonne partie de la population. Elles sont favorisées par la contestation de la légitimité et de l’autorité par une fraction de plus en plus importante de ses partisans habituels à cause des divisions internes nées au sein du parti au pouvoir qui le gangrènent, le paralysent et le disloquent.

Ces conditions sont largement réunies au Sénégal. Dans l’inconscient collectif chemine l’idée qu’il faut passer à autre chose. Il y’a une opposition manifeste au pouvoir en place. Cependant il ne s’agit pas de vouloir rompre dans l’anarchie : la rupture suppose également la préexistence d’un projet, des alliances et d’un leadership.

Le projet, c’est la préexistence d’idées radicales de remise en cause de l’ordre social. Ces idées
extrêmement minoritaires au départ, gagnent chaque jour de nouvelles couches et de nouveaux segments de la société. Cette condition est également remplie. Il suffit de voir comment le mouvement de remise en cause s’est élargi, de l’opposition classique de Bennoo Siggil Sénégal, à toutes les parties prenantes des Assises Nationales qui ont su, selon le Président du Bureau des Assises Nationales, « réunir des hommes et des femmes de tous âges, appartenant à toutes les religions, à tous les milieux sociaux, à toutes les catégories professionnelles, paysans, éleveurs, pêcheurs, artisans, intellectuels arabisants et non arabisants, employés de toutes catégories, chefs d’entreprise, syndicalistes, laïcs et
religieux, etc… Tous ont pu s’asseoir ensemble, se parler, s’écouter, débattre des problèmes les plus divers concernant aussi bien leur vie de tous les jours que la marche et l’avenir du pays, pour trouver, des solutions consensuelles acceptées par tous, et susceptibles de changer le cours de notre histoire commune. Ce consensus n’est pas seulement de pure forme, puisque tous ont pris l’engagement de contribuer à la réalisation des solutions préposées ».

Les Assises nationales ont identifié de manière consensuelle et forte, deux sortes de défis à relever pour la libération des forces vives de la nation pour l’émancipation de notre peuple: le patriotisme économique et la refondation des institutions sur une base plus républicaine, plus démocratique et plus citoyenne. Notre mouvement est l’un des premiers à s’adosser aux conclusions des Assises Nationales.

Mieux, les principaux acteurs du mouvement : Abdou Salam Fall, Serigne Mansour Sy, Ousmane Sané, Aliou Diack, Maguéye Kassé, Ibrahima Guéye, Abdou Aziz Diagne, Françoise Corréa, Jupiter, Charles Guéye, Denis Ndour (USA), Aly Ndiaye (Paris) ont été des acteurs importants des Assises Nationales à tous les niveaux : comité de pilotage national, le bureau des assises, les commissions départementales, les commissions de la diaspora, la commission scientifique et les commissions thématiques entre autres…

L’opposition doit mettre en œuvre une stratégie de rassemblement qui rassure les plus larges couches des sénégalaises et des sénégalais. Parce que tout écart, toute dissension, affaiblira ses capacités et laissera une chance de survie au régime en place. Il faut, de manière consensuelle, établir une stratégie qui prenne en comte, de façon déterminée, mais responsable, la volonté d’en finir une bonne fois pour toutes avec les politiques anti-nationales et anti-sociales connues depuis l’indépendance. Unis nous gagnerons, divisés nous perdrons.

Comme nous l’avons montré au début de notre discours, les rassemblements des 23 Juin et 23 Juillet ont révélé que de nombreuses femmes et de nombreux hommes dans l’opposition sont en attente d’une véritable alternative, d’un renouveau. Il convient maintenant de s’unir sur les conclusions des Assises Nationales pour être suffisamment fort et gagner en 2012 et au-delà, créer les conditions de sa mise en œuvre.

Bes Du Ñakk a l’ambition d’être l’espace de coopération de toutes celles et tous ceux qui veulent construire et mettre en œuvre un nouveau projet alternatif que devraient porter les forces du progrès.

Bes Du Ñakk vise et invite toutes celles et tous ceux qui pensent, profondément, que « quand
l’essentiel est en danger, s’opposer devient un devoir »

Bes du Ñakk se veut un large rassemblement d’idées et d’actions portées par une dynamique sociale et populaire, et qui le porte à son tour jusqu’aux urnes, au point de peser réellement sur les choix d’une future majorité de progrès, capable de mettre en œuvre les conclusions des Assises Nationales.

Il n’y aura pas d’alternative possible dans ce pays, sans une réappropriation, par le peuple, du champ politique. Nous devons concentrer nos efforts pour faire renaître l’espoir et redonner son sens à l’action politique en plaçant les citoyens au cœur du processus politique. La politique ne peut se faire sans les populations, sans une réelle prise en compte des intérêts des citoyens. Bes Du Ñakk n’est pas un mouvement qui porte des leaders ou une écurie de supporters soutenant des candidats à l’ego hypertrophié. Bes Du Ñakk est un mouvement qui porte des idées, une vision, un projet : celui des Assises Nationales. Notre conviction est qu’il n’y a pas de perspective crédible, en particulier pour les présidentielles, en dehors d’une candidature de rassemblement.

IV. La prise en compte du fait religieux : les leçons de notre histoire

Ce qu’il y a de nouveau dans cette démarche, c’est que les conditions sont créées pour bonifier tout le legs de la Gauche sénégalaise en collectif humain, résolu et expérimenté, enrichi des potentialités des sénégalais de la Diaspora et de la nouvelle couche moderne éduquée et patriotique, issue de la hiérarchie religieuse moderne, représentative, ouverte aux exigences du monde contemporain, patriotique, héritière du patrimoine éthique de leurs ancêtres, et prête à s’engager résolument dans le combat libérateur, pour l’émancipation sociale, économique et culturelle et pour un développement intégral et durable.

Ce rôle du fait religieux est brillamment résumé par Emile Durkheim quand il dit qu’ « il est inadmissible que des systèmes d’idées comme la religion, qui ont tenu dans l’histoire une place si considérable, où les peuples sont venus de tous temps puiser l’énergie qui leur était nécessaire pour vivre, ne soient que des tissus d’illusions.

On s’entend aujourd’hui pour reconnaitre que le droit, la morale, la pensée scientifique elle-même, sont nés dans la religion, se sont pendant longtemps confondus avec elle, et sont restés pénétrés de son esprit .Comment une vaine fantasmagorie aurait-elle pu façonner aussi fortement, et d’une manière aussi durable, les consciences humaines ? Assurément ce doit être pour la science des religions un principe que la religion n’exprime rien qui ne soit dans la nature, car il n’y a science que de phénomènes naturels ».

Cette représentativité de la couche la plus patriotique de la hiérarchie religieuse constitue l’un des socles sur lequel devrait se construire le nouveau ‘’Rassemblement’’. Alla Kane, militant aguerri du mouvement démocratique, bâtisseur infatigable et marxiste des premières heures, l’a perçu avec pertinence quand il dit :

« La tâche de l’heure est à la mobilisation générale, pour la construction d’un parti populaire
massif, combatif et productif. Un parti populaire massif parce qu’ayant pénétré le peuple dans
toutes ses composantes et partout où il se trouve sur le territoire national. Pour réussir ce travail de pénétration, de formation, d’animation, d’encadrement et même de financement des activités, l’on peut s’inspirer de l’exemple de deux très grandes personnalités de notre pays dont l’œuvre centenaire a façonné le Sénégal et lui a donné sa physionomie sociale et culturelle d’aujourd’hui :
Cheikh Ahmadou Bamba et de Seydi El Hadji Malick Sy. Ils furent de grands maîtres de l’organisation et de la méthode avant la lettre, ont fait preuve d’une très grande vision et ont été de grands stratèges dont le résultat de l’action reste encore vivace, un siècle après. Seydi El Hadji Malick Sy avait choisi les grandes villes pour y installer ses Muqaddam pendant Cheikh Ahmadou Bamba avait jeté son dévolu sur la campagne (le Cayor et le Baol) ; choix qui lui valut un acharnement sans répit de la part du pouvoir colonial. Aujourd’hui, plus d’un siècle après, ils ont réussi à couvrir tout le Sénégal d’un réseau dense et serré de dahiras dont le degré d’engagement et la capacité de mobilisation ne souffrent d’aucun doute. Leur succès est plus qu’évident avec le réseau qui s’est étendu à travers l’Afrique et les autres continents, porté par la diaspora sénégalaise.

Les résultats obtenus et tels que vécus quotidiennement sur le terrain devraient nous inciter à
nous inspirer de leur expérience pour la création et le développement du grand parti de gauche. Il s’agit de déconstruire pour reconstruire. Reconstruire un grand parti de gauche de type nouveau, débarrassé de toutes les tares qui ont miné les organisations jusqu’ici, un parti fort porté par les masses elles-mêmes avec des dirigeants sortis de leurs rangs et des militants formés, prêts à aller à l’assaut des directions déviationnistes, un parti dont les militants deviennent de vrais « travailleurs révolutionnaires » organisant, éduquant, conscientisant, et mobilisant les masses autour d’actions révolutionnaires pour la défense de leurs intérêts vitaux ».

Cette citation, malgré sa longueur, a été reproduite intégralement parce qu’elle constitue, à elle seule, un manifeste qui donne toute sa place au fait religieux. Son auteur, bien qu’étant un marxiste impénitent, propose de s’inspirer de l’exemple des confréries pour s’implanter dans les masses et construire le parti révolutionnaire que les communistes ont passé leur vie à construire en vain. Ainsi, il pose les bases d’une coopération féconde entre la Gauche et l’aile patriotique des confréries. On comprend, des lors, l’insistance de certains camarades pour pousser Bes Du Ñakk à s’inspirer des Dahiras comme le propose ce marxiste, parce que Bes Du Ñakk a une dotation factorielle et une primoimplantation dont il faut tirer profit. Ceci est une question à débattre à la lumière de l’expérience sur le terrain.

L’homme religieux a un devoir de témoignage, de présence, d’incandescence spirituelle dans un pays quia soif d’éthique et de justice. C’est le modèle que les Chefs religieux nous ont laissé, de Thierno Souleymane Baal en 1776 à nos jours, en passant par Thierno Abdel Kader Kane, El Hadj Oumar Foutiyou Tall, Maba Diakhou, El Hadj Malick Sy, Cheikh Ahmadou Bamba, Cheikh Abdoulaye Niasse, Mame Bou Kounta Ndiassane, Mame Limamoulaye et biens d’autres. A cet égard, l’Eglise catholique n’est pas en reste, ni avant, avec le Père LEBRET, et Père PINAULT, fondateur de l’école Saint Michel), ni aujourd’hui tel que reflété dans la lettre pastorale publiée par les évêques le 30 novembre 2000 sous le titre qui reprend l’esprit du présent manifeste ‘’Quel Sénégal pour le 3ème millénaire ?

Fernand Dumont, spécialiste d’El Hadji Oumar, décrit ce Cheikh-monument comme suit : « Que dire encore d’Al-Hâjj Umar ? Les dimensions peu communes du personnage, sa complexité, sa dualité pourrait-on-dire, relèvent d’une étude considérable, exigeant l’effort des historiens, des sociologues, des islamologues, des arabisants. Sa pensée religieuse ne se sépare pas de son action. Par l’une et par l’autre, il s’est hissé au niveau des plus grands de l’Afrique subsaharienne…

Peut être les domine-t-il… Il a retransmis la pensée arabe des docteurs de la foi et des mystiques. Son mérite est celui d’un prosélyte intelligent et prodigieusement activiste. Il a fait vaciller irrémédiablement l’animisme, et il a préparé les voies à l’Islam confrérique. »

Par ailleurs, la question des valeurs sur lesquelles doit reposer un changement réel se trouve posée, avec insistance, par le rapport des Assises qui appellent à des changements de grandes portées. Des forces sociales et politiques existent dans notre peuple pour impulser de telles avances. Mais la société sénégalaise vit une tragédie et n’a plus la force de faire face au défi auquel elle est confrontée parce qu’elle a déjà cédé et s’est enfoncée, parfois avec délice, dans une crise politique et morale sans précédent. Plus qu’une crise, la société sénégalaise s’est retournée sur elle-même. Elle a perdu ses racines, ses principes, ses vertus communautaires. La refondation dont il s’agit doit englober le social et l’éthique. Ce n’est qu’avec cette base, en fait une nouvelle histoire, qu’on pourra repenser les arrangements politiques, institutionnels pour, d’une part, en finir avec les héritages coloniaux et d’autre part, déterminer d’une manière rigoureuse, les rôles et fonctions de la société civile. Et le rapport de préciser : « La désintégration de la société, avec notamment la promotion d’antivaleurs qui ont fortement éprouvé l’institution familiale, le jeu politique, voire l’activité économique, montrent, s’il en
était encore besoin, l’urgence d’une refondation éthique de la société. En effet il s’agit de remédier à cette déviance des valeurs vers l’Avoir pour les recentrer sur l’Etre. Cette refondation morale nous semble aujourd’hui la condition d’émergence d’une nouvelle citoyenneté, autonome et responsable, à même de garantir l’existence d’institutions fortes, stables et crédibles, sans lesquelles aucune gouvernance vertueuse n’est possible ». Le débat est aujourd’hui entamé ; il bouscule et interpelle la société toute entière, et tourne autour de l’éthique. Les hommes religieux ont leur rôle à jouer dans ce débat, pour changer le comportement des sénégalais.
A cet égard, la charte de bonne gouvernance adoptée par les Assises, préconise : « de promouvoir la création d’un système citoyen de veille et d’alerte en matière d’éthique et de valeurs. Les signataires de la charte invitent les institutions religieuses et leurs leaders à jouer un rôle positif dans le développement de la solidarité nationale et la cohésion sociale, en œuvrant à une bonne coexistence entre toutes les religions et confessions ». Pour ce faire il convient d’accorder à la réflexion sur le fait religieux toute son importance, dans un contexte mondial qui, depuis la fin du XXe siècle, est traversé par son retour pour devenir la principale clé de compréhension des bouleversements du monde. Au Sénégal, particulièrement, un débat franc et informé doit être engagé sur les questions de la laïcité, de l’école, du rapport entre l’Etat, les confessions et les confréries, du fait de la prégnance du fait religieux à toutes les échelles de la société.

Le caractère nouveau du rassemblement à construire réside dans cette détermination à associer, dans notre démarche, toutes les catégories sociales qu’exige la réalisation de cet objectif -faire se rencontrer dans la même démarche, la culture de gouvernement du PS et de l’AFP, l’expérience de la Gauche traditionnelle et le capital symbolique dont jouissent les confréries, tous tendus vers le même objectif d’émancipation humaine. Il nous faut intégrer toutes ces composantes pour les dépasser. Dans un contexte national où le parti au pouvoir est à l’agonie, victime de l’inconséquence de son chef et de la rivalité d’une demi-douzaine d’ambitieux et d’innombrables intrigants, l’opposition doit proposer une alternative crédible.

V. La construction d’un mouvement social fort

A l’étape historique que nous traversons, et grâce à la situation créée par les Assises et les espoirs qu’elles suscitent, il convient maintenant, plus que jamais, de regrouper toutes celles et tous ceux qui veulent en finir avec la société actuelle pour en bâtir une nouvelle. Et le rapport des Assises de souligner : « La recommandation des mesures d’urgence arrêtées d’une manière consensuelle, devrait déboucher sur des choix politiques publiques centrés sur la réponse à la demande sociale. Un des principaux facteurs est lié à l’émergence d’un mouvement social fort, prenant en charge l’après Assises ».

Pour préparer ce mouvement social et prendre en charge ‘‘l’après Assises’’, les parties prenantes qui ont été à l’origine de cette initiative et contribué à son succès devraient se transformer et sortir de cet exercice, rénovées, rajeunies, prêtes à des luttes et victoires qui paraissaient illusoires avant les Assises, comme l’ont montré les dernières élections locales où des bastions entiers du PDS, et non des moindres, ont été aspirés par la tourmente du 22 Mars. Cependant, dans le Sénégal d’aujourd’hui, aucune organisation, aussi ancienne soit-elle, ne peut ni prétendre détenir seule la mémoire des expériences et des combats menés par des millions d’hommes et de femmes depuis l’époque coloniale, ni faire, elle seule, la synthèse de toutes les épreuves vécues par notre peuple.

Notre Manifeste entreprend de participer à la construction d’une opposition fraîche, nouvelle, radicale, indépendante, réellement implantée dans les masses, donc représentative, forte de l’héritage éthique des hommes et des femmes qui ont laissé leurs marques dans ce pays. S’il est vrai qu’on ne peut faire du neuf avec du vieux, on ne fait pas davantage du neuf qu’avec du neuf, en ignorant le passé et l’histoire.

Ce Manifeste est une contribution sur ce qui pourrait être ce Sénégal du 21e siècle que nous voulons construire demain, à partir des acquis passés et présents ; une contribution sous la forme d’une invitation au débat et à l’action pour que le Sénégal puisse encore arriver « à produire, instruire et construire », et cela, dans tous les domaines.

Le Rassemblement que nous envisageons devrait regrouper des hommes et des femmes issus du mouvement démocratique, -anciens militants de syndicats ouvriers, mouvements d’étudiants et de partis de la gauche classique, des patriotes et des démocrates- choqués par l’étendue du désastre et par l’impuissance de l’opposition, et qui veulent agir utilement. Ils seront déterminés à amplifier les efforts pour que cette démarche, radicalement neuve et seule capable de faire éviter les erreurs du passé, devienne une nouvelle démarche politique, dans les mois qui viennent.

VI. La faiblesse de l’opposition

L’opposition est faible de ne pas offrir à notre peuple, un projet mobilisateur capable de faire vivre dans les conditions d’aujourd’hui, les valeurs d’émancipation qui sont les siennes. La société est en attente et notre responsabilité est d’y répondre, et de murir un processus historique à la hauteur de cette attente et de le faire avancer le plus loin possible. Sans faire table rase du passé, il convient d’inventer les formes politiques nouvelles d’un mouvement émancipateur, la forme d’organisation la plus appropriée pour mener les luttes actuelles. C’est la tâche de l’heure et la raison d’être de Bes Du Ñakk.

Les partis de l’opposition traditionnelle, y compris la Gauche, ont été créés dans l’optique de la
conquête du pouvoir. Dans leur pratique quotidienne, ils ne semblent malheureusement pas avoir inscrit leurs actions dans la durée, pour une véritable transformation sociale, en s’y préparant résolument. Ces partis ont été d’un apport considérable dans l’émergence de la démocratie au Sénégal mais ils ne sont pas aujourd’hui à la hauteur pour en tirer profit. Ils ont ainsi théorisé et se sont engouffrés précipitamment dans une mouvance de coalitions qui, à peine portées sur les fonds baptismaux, se sont aussitôt précipitées vers des élections avant même d’avoir une base programmatique commune. Et si programme il y a, il reste à un état embryonnaire. Même si un programme est élaboré, on omet d’en discuter avec la base, pour qu’elle se l’approprie. Il est vrai qu’affronter le suffrage universel et conquérir le pouvoir sont la fin de toute action politique, mais l’incohérence des Coalitions au Sénégal est qu’elles regroupent un aréopage de formations politiques et de militants réunis pour affirmer une opposition à tel Président de la République plutôt que pour défendre un projet de société. Dès lors, il devient évident que les clivages savamment masqués et tus, juste le temps d’une campagne électorale, ne tardent pas à se manifester. Sénégalais mën na folli waaye
mënul fal, dit on. Je ne crois pas en ce dicton populaire et nous devons montrer, en 2012, que nous savons mettre les hommes et les femmes qu’il faut à la place qu’il faut.

Les syndicats sont confrontés dans une large mesure aux mêmes contradictions que les partis politiques, contradictions qui les paralysent et les empêchent de réagir contre la vie chère, le chômage, l’augmentation du prix du gaz et de l’électricité, des denrées de première nécessité, du chômage.

L’impact négatif de cet état de fait est le ralentissement des mouvements populaires de protestation et leur circonscription dans des proportions réduites.

Ce qui nous amène à poser la question suivante : l’opposition, dans sa composante politique et
syndicale, est-elle réellement présente auprès des masses partageant ses souffrances et participant à ses luttes ? Pour répondre à cette question, il convient d’étudier les raisons de la déception de l’alternance intervenue le 19 Mars 2000 en nous attardant sur les premières années.

A. Première séquence de l’alternance

L’alternance a déçu ; cette déception a une cause. Il faut d’abord noter l’incapacité des acteurs
politiques à comprendre, dans leur diversité et leur unité, les fondements matériels de l’intervention des partis politiques, leur évolution, les courants et les formes d’organisations politiques qu’ils se donnent, leur place spécifique dans le mouvement de la société. La réflexion sur la nature fondamentale du PDS par exemple aurait permis de prévoir sa dérive actuelle, et de voir que l’attelage ne tiendrait pas le parcours. On constate, dans les motivations des acteurs de l’alternance, une donnée fondamentale qui surdétermine toutes les autres depuis le 19 Mars 2000. C’est la naïveté de croire que le mandat de Wade serait transitoire du fait de son âge et de l’exténuante lutte qu’il a menée pour arriver au pouvoir.

Ce qui excluait un second mandat ou tout au plus, un second mandat abandonné au milieu du guet.

Cette donnée ouvrait, dès l’entame de l’alternance, la bataille féroce pour la succession de Wade. C’est cette situation qui a empêché les différentes composantes de la coalition de participer à la réussite du mandat pour lequel le Président était élu. Les opérations de liquidation allaient bon train, au sein du nouveau régime et à l’intérieur du PDS, prenant quelques fois des tournures violentes. La coalition de l’alternance volait en éclat : Dansokho, Niasse, Madior et Bathily en seront les premières victimes du fait des manœuvres de Idrissa Seck, désireux de faire le vide autour du Président et d’occuper tout seul l’espace public. En Machiavel accompli, il s’installe au cœur de l’appareil d’Etat et du Parti, pour mener des opérations de liquidation contre ses adversaires ou concurrents potentiels.

De véritables purges sont organisées dans son propre parti. Par une tragique ironie de l’histoire il en sera la victime après avoir concentré tous les pouvoirs et suscité des haines tenaces. Il fut empoisonné par les potions qu’il avait lui-même concoctées. Pour avoir été l’artisan de son échec, peut-il décemment, aujourd’hui, reprendre la promesse du changement. Le peuple sénégalais n’a pas la mémoire courte. Il est tolérant et magnanime et capable de pardonner les victimes. Mais il n’accepte pas la récidive qui encourage l’impunité et installe la corruption. L’opacité des deals entre Idrissa Seck et Abdoulaye Wade n’augure rien de bon pour notre peuple.

Il convient de faire une analyse rigoureuse et minutieuse de la période de l’association de l’opposition dite significative au Gouvernement de l’alternance. Cette analyse est indispensable à une bonne compréhension de la trajectoire politique au Sénégal depuis 2000. Elle doit être sans concession. Elle est malheureusement absente des travaux et des conclusions des Assises Nationales.

Et pourtant, l’analyse de cette période est cruciale pour comprendre les dérives actuelles du PDS, pourquoi pendant une très longue période, Abdoulaye Wade a été le maître du jeu, et l’impuissance autodestructrice de l’opposition qui se manifeste dans la manière dont Wade a roulé dans la farine les leaders en 2007, le boycott des élections législatives qui ont suivi, leur absence des luttes dans une période de forte conflictualité, la marginalisation de la société civile qui n’a trouvé ses marques qu’avec les manifestations du 23 Juin que préparaient déjà les manifestations du 19 Mars 2011 avec l’émergence de la combativité du mouvement citoyen -manifestation de Y’en à marre, à la Place de l’Obélisque et l’organisation par Bes Du Ñakk d’un diner-débat sur « Les Assises Nationales, un désir d’émancipation ».

Dans la même journée, on observe la combativité du mouvement citoyen et sa capacité d’organiser la réflexion sur l’avenir du pays, acte historique montrant que ces mouvements aussi étaient capables de prendre l’initiative, et s’approprier un potentiel d’émancipation qui n’est plus l’apanage des partis traditionnels.

L’analyse de la première séquence de l’alternance est d’une importance capitale pour la situation que vivent les sénégalais, aujourd’hui. L’opposition a porté Wade au pouvoir et lui a laissé le champ libre dès la victoire : la formation du Gouvernement, le référendum sur la Constitution, les élections législatives, la définition du rôle du Directeur de cabinet du Président, et la république agenouillée face au pouvoir maraboutique. A cet égard, il convient de se demander s’il est possible de mobiliser et de dénoncer, publiquement, les dérives dangereuses et criminelles de certains groupes religieux qui, non seulement se transforment en milices, mais construisent la logique du « soutien mercenaire » comme la principale forme de leur présence dans l’espace public. Très souvent, nous entendons le chantage aux représailles,
la complicité de l’Etat et le silence complice de l’opposition en quête de soutien maraboutique et les violences contre les citoyens ont laissé le champ libre à une mafia religieuse sans l’élimination de laquelle la démocratie demeure une douce chimère. Cette première séquence à l’alternance a réduit le Sopi à l’accès aux prébendes, et le changement politique à l’accession au pouvoir politique.

B. La recomposition du paysage politique

L’opposition sénégalaise a également inventé ses propres exemples de transhumance qui se manifeste par l’incapacité de fonctionner sur la base de principes, en réintégrant des acteurs politiques qui ont continué et continueront à faire preuve d’un opportunisme incroyable. Face à cette situation, l’urgence est de réfléchir sur les conditions de la mise à la retraite de l’ensemble de la classe politique et la promotion d’un nouveau leadership qui corresponde à la démographie actuelle du Sénégal sur la base d’une nouvelle éthique publique et de nouveaux arrangement institutionnels et politiques. Ceci appelle à agir directement sur la recomposition du paysage politique. Le casting politique présent dans sa plus grande part est infréquentable. Il incarne à eux seuls les quarante (40) années de pouvoir socialiste et les onze (11) années du pouvoir libéral. Nous refusons cette voie du renoncement. Nous sommes lucides sur l’état des forces du progrès, mais nous ne nous résignons pas d’autant plus que nous constatons tous les jours, dans les luttes sociales et démocratiques, la formation de rassemblements qui témoignent de fortes exigences de transformations sociales.

Très peu des acteurs présentent, aujourd’hui, un profil crédible, c’est-à-dire le chef de l’exécutif dont le Sénégal a besoin pour sortir de sa crise actuelle. C’est le dilemme des élections de 2012. Il est temps de tourner la page. Un bain de jouvence ! Voila ce dont le pays a besoin. Une nouvelle élite qui se réfère à d’autres valeurs qu’à celles que nous avons connues dans la construction de l’Etat colonial.

C. Une opposition acéphale, aphone et atone


Alors que la volonté d’en finir avec le régime actuel et de passer à autre chose grandit, les
tergiversations de l’opposition plonge le pays dans un malaise profond. A six mois des élections, aucune perspective ne s’ouvre. Bennoo Siggil Sénégal mobilise toute son énergie depuis dix-huit (18) mois, de séminaire en séminaire, pour un casting présidentiel. Les vraies questions de l’emploi, les salaires, l’école, les formidables inégalités à l’œuvre dans la société, la question foncière et des délégations spéciales et la riposte qu’elle exige, l’électricité, les inondations, la question de la Sonatel, ont tous subitement disparu de l’ordre du jour. Il y a un doute sur les capacités des leaders de l’opposition et les volontés de se battre. Il y a un besoin énorme de comprendre ce qui se passe, d’une disponibilité à écouter, à échanger, à débattre et à partager. Je pense qu’il est indispensable de procéder à une critique sans concessions, des organisations, de leur signification et de leur mission, afin de mieux comprendre les enjeux et identifier rationnellement les vrais acteurs des transformations sociales et quels intérêts elles servent.

L’essence d’une organisation politique n’est pas déterminée par la pertinence de ses références
idéologiques ou par le type de valeurs éthiques auxquelles elle adhère. Elle est déterminée, avant tout, par la nature des catégories sociales auxquelles sa direction est organiquement liée et par la façon dont le programme de gouvernement reflète les vues, intérêts et aspirations de ces catégories. Est-ce que ces intérêts coïncident avec ceux des grandes masses de la population ? Bes Du Ñakk s’adosse aux conclusions des Assises Nationales, convaincu que ces dernières répondent à cette question

VII. Les acteurs de la transformation sociale

C’est pour travailler, avec esprit de conquête, à ces rassemblements que j’en viens à l’idée que je souhaiterais développer devant vous : celle des choix qui concerne l’avenir de notre mouvement Bes Du Ñakk. Il ne faut pas se faire d’illusions, aucune des ambitions que je viens d’exposer et qui sont celles auxquelles nous voulons consacrer nos efforts, n’ont d’avenir sans cette ambition de même ampleur pour le développement de notre mouvement. Notre projet politique a de fortes exigences, notamment celle de pouvoir penser les bouleversements du monde, d’en déceler les potentiels émancipateurs, d’élaborer des idées transformatrices, d’unir les forces susceptibles de les porter, de construire les majorités de changements et de tracer les chemins politiques de cette transformation.

C’est ancré dans ces exigences que nous renouvelons notre choix de Bes Du Ñakk comme mouvement, avec comme ambition d’être capable, en permanence, de rassembler et d’impulser les idées et les énergies nécessaires à sa mise en œuvre. Mais c’est en raison des mêmes exigences et du fossé évident qui sépare la réalité de l’opposition des besoins de notre projet, que nous affirmons la nécessité, pour Bes Du Ñakk, en tant que mouvement, de s’atteler à sa patiente construction. Notre choix est celui de l’audace, nous faisons le pari de l’espérance révolutionnaire ; n’ayons donc pas peur de révolutionner le paysage politique.

Bes Du Ñakk s’investit dans l’élaboration d’un programme. Qui dit programme dit pragmatisme. Le projet est un horizon, c’est la perspective historique, il trace les lignes de force, l’avenir ; il n’entre pas dans le détail de la réalisation. Le programme est le compromis entre le rêve et le monde réel. Il doit être porté par la perspective du projet.

A. L’implication du citoyen

Une civilisation nouvelle qui frappe à la porte doit englober tous les aspects de la vie, de la société, les rapports politiques, culturels, institutionnels, de genre et de couple, les relations internationales aussi. Il faut une forme d’organisation nouvelle pour les prendre en charge. La question de la forme d’organisation la plus adéquate pour mener les luttes est décisive. Pour y répondre, il faut revisiter le rôle tant primordial du peuple, du « civil », du « social » dans la vie politique.

En effet, est-ce qu’elle est naturelle cette division des tâches : aux mouvements sociaux, les cris et les doléances comme « Y’en a marre » et la marche des Imams, et aux partis politique le pouvoir de les traduire en réformes ? Il est vrai que le système représentatif donne au personnel politique le pouvoir de se substituer à la pensée et à la parole des citoyens jugés trop ignorants. Bien sûr, chaque parti peut brandir son syndicaliste ou organisation associative de service pour montrer qu’il est en prise avec le mouvement social.

Aujourd’hui la nécessité de redéfinir la politique se fait sentir. Nous sommes dans une époque en proie à une crise, un monde vidé de signification en quête de sens, avec des crises dans tous les domaines mais surtout en politique, où elle est incontestable, massive et effrayante. Ces crises viennent s’ajouter à la corruption, aux mensonges, à la haine, des uns et des autres, et aux rivalités pour le pouvoir. Cette crise est liée à une crise plus globale, celle de la normativité qui constitue l’ensemble des valeurs qui nous orientent dans notre vie individuelle et collective et qui nous fixe des fins qui méritent d’être poursuivies. La crise de la politique nous fait perdre ces valeurs.

Et pourtant, dès la fin du 18e siècle, Rousseau, Kant et Marx ont investi la politique d’une ambition anthropologique essentielle : changer l’homme. C’est là où la politique rencontre la Religion car « Allah ne change les nations que lorsque les hommes changent eux-mêmes. »1
Changer la société passe nécessairement par des actes qui sont en rupture avec la normalité. Ceux qui osent quitter la place que la société les assigne sont ceux qui acquièrent une existence politique.

L’exemple des noirs américains est éloquent à cet égard. Les mouvements de la société civile des années 60 ont brisé la normalité en refusant la place que la société réservait à leur race.

Les élections n’auront de sens que lorsqu’elles seront autant de jalons dans l’exercice d’un pouvoir accompli pour des millions de personnes. Leur but devient le mouvement populaire lui-même : va-t-il sortir plus instruit, plus puissant et pouvoir investir les lieux de décisions en redéfinissant le mandat de l’élu devant chaque problème. Quel est le mandat du député devant les problèmes de l’électricité, du foncier ou des inondations?

Le centre de gravité de la politique doit se déporter vers ce travail au sein des luttes. Il s’agit d’élire un représentant ou partenaire avec lequel on va collaborer certes, mais aussi co-élaborer, co-intervenir et définir son mandat devant chaque problème. Les mouvements sociaux sont autant producteurs de politique que les partis. Les Assises ont été un succès grâce au principe d’inclusivité qui les a marquées dès le départ. Pourquoi donc les partis tiennent-ils tant à être à part ? Pourquoi Benno Siggil Sénégal, au moment de choisir un candidat pour les élections, exclut-elle la société civile ?

Les partis découlant historiquement de fonctions représentatives vivent l’implication de la société civile comme un déni de leur rôle. Conçus sur le modèle de dissociation ‘’ Etat – Société civile’’ la matrice dont ils sont issus les emprisonne dans le refus d’être sur un pied d’égalité avec une foule foisonnante, par définition incontrôlable, d’organisations. Ce faisant, ils se coupent de ce qui bouge dans la société et s’enferment dans une continuité de méthode sans avenir. Avec cette conception, le peuple n’a pas d’existence politique hors du bref moment passé dans l’isoloir, moment qui consiste à donner son pouvoir à quelqu’un auquel il va falloir obéir. En 1789, Seyes déclarait « Le peuple dans son activité politique n’existe qu’à travers sa représentation nationale… il ne saurait posséder une expression en dehors d’elle. »

Il ne peut y avoir de rassemblement majoritaire transformateur que si le centre de gravité du ‘’pouvoir faire’’ est le mouvement populaire. C’est ce que l’histoire récente nous apprend. Le rôle de l’organisation politique -parti politique ou mouvement citoyen à vocation politique- n’est pas de décider à la place du peuple. Mais le rôle plus fondamental, c’est de favoriser la production autonome par les intéressés, c’est-a-dire le peuple, d’éléments de connaissances et de pratiques transformatrices, y compris l’accès aux instances de décision.

Un travail d’élaboration ne peut s’accomplir qu’en étant attentif aux besoins vitaux de la population, en récusant vigoureusement l’ésotérisme des appareils repliés sur eux-mêmes. Les coalitions existantes, les syndicats, les partis progressistes, les organisations de la société civile, déjà à travers les Assises Nationales, ont travaillé dans cette perspective de mise en commun. Il convient maintenant de dégager, au niveau politique, les objectifs rassembleurs. Comment mettre en chantier le projet politique qui réactive ou valide la visée transformatrice des Assises Nationales ? Nous n’avons pas la réponse achevée à cette question. Notre Manifeste a conceptuellement désigné le souhaitable pour le Sénégal du 21e siècle. Il convient de construire la force collective pour le dire et le porter efficacement. C’est la raison d’être de Bes Du Ñakk.

Il convient de sortir de cette position défensive des acteurs politiques, qui se traduit par la criminalisation symbolique de l’utilisation de certains mots tels que société civile, personnalité
indépendante, mouvement citoyen. Cette bataille autour des mots n’est pas sémantique, elle est politique. Il faut avoir la lucidité de dire le nouveau, le renouveau ou l’inédit. Un projet de
transformation sociale ne se crédibilise que s’il est construit et élaboré à partir du mouvement réel, c’est-à-dire avec la participation de celles et ceux engagés collectivement dans les syndicats, les associations, les ONG, les dahiras et les paroisses, mais aussi avec les citoyens qui sont à l’écart de la politique dans ses configurations actuelles. C’est une manière singulière de réinvestir la politique, de revitaliser l’intérêt de l’engagement militant et d’avancer dans la concrétisation de ce désir d’émancipation que sont les Assises Nationales. On nous disait qu’on ne peut avoir une société civile efficace et présente dans l’espace public sans une société politique vigoureuse. Mais le Printemps arabe qui se passe sous nos yeux ont fait voler en éclat ces pensées fossilisées. La société civile, debout et déterminée, a fait tomber des dictateurs indéboulonnables comme en Tunisie, en Egypte et en Libye.

B. Bes Du Ñakk

Bes Du Nakk doit quotidiennement décliner son ambition démocratique dans sa démarche et ses pratiques politiques. L’intervention populaire est pour nous la clé d’un processus de transformation durable et réussie. Toute notre activité politique doit porter la marque d’une implication citoyenne organisée, revendiquée. De nombreux sénégalais à la recherche d’engagements sont disponibles pour une telle démarche. Le mouvement du 23 Juin est venu donner plus de poids aux idées et aux forces engagées qui combattent l’orientation du régime de l’alternance et réclament la refondation démocratique et sociale. Nous lançons, dans le Manifeste, un appel à toutes les organisations politiques, à tous les hommes et femmes des courants progressistes comme le mouvement syndical, social et associatif, à toutes celles et tous ceux qui, dans la diversité, partagent les grands actes du projet transformateur et se reconnaissent dans cette démarche de rassemblement. Cet appel a connu un réel écho qui se traduit par un développement très rapide de Bes Du Ñakk. Parce que nous croyons au potentiel de cette démarche et à ce qu’elle peut faire basculer, nous allons nous y engager de toute notre force. Les frontières de ce rassemblement ne sont pas fixées d’avance. L’enjeu central de notre projet politique est d’ouvrir, en toutes circonstances, des chemins concrets aux politiques de changements transformateurs que nous jugeons indispensables pour améliorer la vie de notre peuple.

Nous voulons un Sénégal nouveau, nous voulons le construire au quotidien. Ceux qui souffrent et aspirent à une société plus juste ne peuvent pas attendre.

C’est autour d’objectifs de transformation de sa coélaboration, de son appropriation populaire que nous allons construire les cadres, les fronts et les alliances adaptés aux problèmes rencontrés, aux échéances affrontées. De la même façon et indissociablement, notre ambition constante doit être d’ouvrir, devant chaque problème rencontré, chaque échéance politique, le chemin possible d’une perspective de changement réel et de prendre les initiatives politiques appropriées.

A cet égard, il convient de construire les chantiers de la refondation politique. Comment faire, par exemple, pour que le rapport des jeunes à la politique soit effectif ?

On ne peut répondre à cette question qu’en tenant compte de leurs préoccupations, de leurs
projections dans l’avenir, de leurs critiques, leurs spécificités générationnelles. Les mouvements des jeunes qui émergent partout au Sénégal, traduisent un désir irrépressible de trouver réponse, urgemment, aux interrogations suivantes : quelles sont les chances et les conditions de participation des jeunes à l’action politique pour défendre la dignité humaine, la démocratie, le bien commun et le droit à l’éducation, à la santé, à l’emploi ? Les forces progressistes du Sénégal ont besoin d’être sensibilisées à cette approche générationnelle, pour mieux réduire l’écart entre l’énonciation du souhaitable et l’évaluation du possible.

Les manifestations du 23 Juin et du 23 Juillet ont fait apparaitre de nouveaux axes de recomposition du politique. Il faut se pencher sur les nouvelles forces de politisation qui traversent la nouvelle génération.

Le Sénégal n’est pas né en 2012 et ne s’arrêtera pas en 2012. Nous nous inscrivons dans une perspective à long terme, dont le levier principal est la transformation de toute la société. Nous avons besoin d’une démocratie citoyenne qui passera par la mise en œuvre de la charte de bonne gouvernance. Le temps de la centralisation excessive est révolu. Nous avons besoin d’institutions fondées sur la volonté du peuple.

Ainsi permettez-moi de risquer un commentaire sur le caractère populaire de notre Assemblée d’aujourd’hui et de m’adresser plus particulièrement à nos adhérents et adhérentes venus si nombreux, de toutes les contrées du pays, pour leur parler de la place Bes Du Ñakk dans leur avenir. La Déclaration Universelle des Droits de l’Homme du 20 Août 1789 dit que « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme. Ces droits sont la liberté, la sureté, la résistance à l’oppression». Aujourd’hui, le rôle des partis politiques à l’échelle de la planète est l’objet de profondes remises en cause. Mais il faut également dire qu’on ne voit pas émerger d’idées réellement neuves pour les remplacer.

L’abstention massive et la crise de la participation aux élections traduisent une profonde crise de légitimité, qui peine à susciter l’adhésion des citoyens, en particulier, des classes populaires et les groupes dominés. Il convient de répondre à l’exigence citoyenne qui demande, pour ce qui nous concerne, un Bes Du Ñakk acteur de la politisation et de l’intervention populaire. Il s’agit alors de favoriser la culture civique, de relégitimer le système politique et de rapprocher les citoyens des élus, au niveau local et national.

VIII. L’unité est un combat

Bes Du Ñakk se doit d’être uni. Nous avons besoin de cette unité au regard des objectifs que nous nous fixons. Cette unité n’est pas une notion abstraite ; elle est un combat. Elle se forge dans la lutte et se renforce dans la lutte. Elle est indispensable à notre crédibilité, et à notre visibilité, pour mieux contribuer à l’unité de l’opposition. Le seul gage de l’unité est que les choix majoritaires de Bes Du Ñakk puissent se construire en toute liberté et que la diversité de nos approches, du fait de la nature de notre mouvement, puisse les enrichir. Quels que soient nos partenaires, notre souveraineté doit rester entière. Mais cette souveraineté se construit à l’interne, par un débat profond et ouvert. C’est pourquoi nous avons pris tout le temps nécessaire pour débattre, à tous les niveaux, de nos statuts, de notre programme et de notre orientation stratégique.

Ce chemin n’est pas simple mais il serait suicidaire de ne pas l’emprunter. Oui, nous devons inventer un nouveau rapport entre diversité et unité. Cette exigence interpelle également Benno Siggil Senegal, Benno Alternative 2012 et le M23. Des débats de qualité, de clarté, dans une confrontation fraternelle des idées avec des choix majoritaires respectés par tous, dans l’éthique et la fraternité, loin de l’invective et des mauvais coups, sont nécessaires pour développer des politiques orientées vers les populations. Aucun débat politique ne doit briser cette fraternité, ces valeurs, cet entrecroisement fécond. Enfin, à cette belle fête, à cette jeunesse massivement mobilisée aujourd’hui, je dis : « Je salue votre engagement, votre détermination d’en finir avec ce régime, pour créer une société meilleure et prendre votre destin en main, comme les peuples du monde qui ne supportent plus la politique qu’on leur impose. Les soulèvements du monde arabe, les révoltes qui grondent en Afrique, le développement des luttes et du mouvement citoyen des indignés en Europe, la recherche de vrais changements en Amérique latine, témoignent tous d’une aspiration à des changements politiques véritables et se résument à un désir de justice. Malgré les difficultés et les obstacles, la jeunesse, ici présente, doit transformer en acte ses révoltes, ses désirs de justice et de liberté.

Nous pouvons reconstruire le potentiel d’émancipation à l’échelle planétaire. Les Assises Nationales, sont une première étape vers une société plus juste. La nouvelle phase de notre lutte est le changement au Sénégal, porté par Bes Du Ñakk, grâce à la place qu’il a prise au cœur de la dynamique populaire pour un projet d’émancipation humaine digne de notre ambition d’indépendance nationale et de souveraineté du continent. Cette stratégie vise également à sortir les forces du progrès de la spirale de l’inefficacité et de l’affaissement devant les forces du nouveau libéralisme.

Sortons de cette Assemblée pleins de force, et soyons fiers de notre engagement. « Quand l’essentiel est en danger, s’opposer est un devoir », et l’essentiel est en danger parce que « quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est pour le peuple, le plus sacré et le plus indispensable des devoirs ». Ces mots de Maximilien Robespierre nous rappellent notre devoir. Nous devons nous interroger sur les lieux les plus efficaces pour l’engagement des progressistes. Faisons donc de Bes Du Ñakk le lieu de cette efficacité pour toutes celles ou ceux qui s’engagent. Nous devons agir, tous ensemble, pour mobiliser la créativité de nos militants, tout en respectant leur souveraineté et en évaluant le chemin parcouru. Faisons confiance à Bes Du Ñakk dans la conduite de ce chantier. Voilà, mes chers camarades, les réflexions que je voulais vous présenter en comptant sur la richesse de l’intervention militante pour l’améliorer et en faisant appel à l’intelligence du peuple pour les mettre en œuvre. Je vous souhaite de beaux combats pour l’avenir. Vive Bes Du Ñakk ! Pour une victoire éclatante des forces vives le 26 Février ! Pour le triomphe de l’esprit des Assises en 2012, et pour garantir sa mise en œuvre !

Serigne Mansour Sy Djamil

Président du Mouvement Citoyen de Refondation Nationale Bes Du Ñakk

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