Campagne législative 2017 – Les dangers d’une majorité présidentielle.


Pour nous prévenir des dérives monarchiques, il faut revenir à Montesquieu, en France, et Locke, en Angleterre, véritables théoriciens de la séparation des pouvoirs : «La liberté politique ne se trouve que dans les Gouvernements modérés. Tout homme qui a du pouvoir a tendance à en abuser. Pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut, que par la disposition naturelle des choses, le pouvoir arrête le pouvoir. Tout serait perdu si le même homme ou le même corps exerce ces trois pouvoirs : celui de faire des lois, celui d’exécuter les résolutions publiques, celui de juger les crimes ou les différends des particuliers ».

Au Sénégal, les conditions pour que l’Assemblée nationale puisse jouer son rôle de contrôle de l’exécutif sont clairement définies dans la Charte de gouvernance démocratique des Assises Nationales qui stipule:

« Les différents pouvoirs doivent être bien équilibrés et jouer leurs rôles avec l’autonomie suffisante pour exercer, pleinement leurs missions. C’est pourquoi notre action commune visera à promouvoir la réforme des institutions selon les principes ci-dessous énoncés:

  • Mettre un terme, d’une part, à la tendance à la concentration excessive des pouvoirs à la Présidence de la République notée à la suite de la crise de 1962 et qui s’est accentuée depuis l’alternance en l’an 2000, et d’autre part, à toute immixtion du Président de la République dans le fonctionnement du législatif et du judiciaire. L’exécutif dans son ensemble doit s’abstenir de toute interférence dans le fonctionnement normal de la justice ;
  • Le Président de la République sera dorénavant passible de poursuites judiciaires pour des crimes et délits caractérisés commis dans l’exercice de ses fonctions.
  • Le Président de la République ne peut être ni chef de parti politique ni membre d’une quelconque association durant l’exercice de ses fonctions.
  • Le gouvernement est responsable devant l’Assemblée Nationale de la formulation et de l’exécution de la politique de la nation ;
  • L’Assemblée Nationale devient le lieu d’impulsion de la vie politique, avec des députés porteurs d’une éthique compatible avec les exigences de la démocratie et de celles de leur charge ».

Faire preuve de clairvoyance politique pour réaliser cette vision des Assises nationales n’est pas le moindre défi que nous aurons à relever. En nous écoutant, en nous respectant, en allant jusqu’au bout de nos échanges d’idées, en tirant profit de la somme d’expérience et de compétence qu’offre la nouvelle Assemblée, nous en sommes collectivement capables.

Les dangers d’une majorité présidentielle

A cette période actuelle de l’histoire du Sénégal, nous avons besoin d’un dispositif institutionnel qui renforce le parlement dans son rôle de contrôle de l’exécutif et d’évaluation des politiques publiques. Il faut définitivement adopter le « check and balance » américain qui est la forme la plus acceptable de la séparation des pouvoirs. Les élections récentes ailleurs nous ont édifiés sur la maturité des peuples qui ont refusé de donner une majorité parlementaire à l’exécutif. C’est le cas en Grande Bretagne avec Theresa May, en Allemagne avec Angela Merkel qui, depuis cinq ans est minoritaire au Bundestag ; en France Emmanuel Macron a une majorité composite.

Il s’y ajoute qu’avec la découverte récente du pétrole et du gaz, faire dépendre tout le pouvoir de la volonté d’un seul homme est dangereux aux yeux des enjeux dans un secteur marqué par des conflits d’intérêts violents qui peuvent conduire à la guerre au point qu’on parle de la malédiction des ressources. Pour échapper à cette menace, il faut dans le cadre d’un benchmarking, adopter l’expérience de pays ayant su gérer leurs ressources minières telles que le Pérou, la Norvège ou encore le Ghana. Le Pérou a su tripler son PIB en 10 ans, alors qu’il aurait fallu un taux de croissance annuelle d’au moins 7% pour doubler le PIB en dix années. Dans ce pays, une tradition institutionnelle refuse de donner la majorité parlementaire à l’exécutif qui plafonne à 40%, obligeant ce dernier à constamment rendre compte au législatif qui a le dernier mot y compris pour les contrats miniers.

Il faudra dans la nouvelle Assemblée, bannir une pratique qui porte sur les procédures d’urgence qui sont devenues la règle et non l’exception. Jamais une législature n’a subi autant de pression de la part de l’exécutif pour passer des lois par la procédure d’urgence pour des affaires qui n’avaient rien d’urgent. Ce fut le cas avec la loi sur l’Ace III de la décentralisation qui porte sur la gouvernance territoriale qui nécessite assez de temps pour être présentées et discutées mais qui a été votée en une semaine à la convenance du gouvernement dont l’objectif n’était point un découpage territorial efficace mais le

charcutage électoral en vue des élections. C’est pourquoi nous dirons avec le Président Macron devant le parlement français réuni en Congrès, ce Lundi 03 Juillet 2017 :

« Il faut du temps pour penser la loi. Du temps pour la concevoir, la discuter, la voter. Du temps aussi pour s’assurer des bonnes conditions de son application. Souhaiter que nos institutions soient plus efficaces, ce n’est donc pas sacrifier au culte de la vitesse, c’est rendre la priorité au résultat. Sachons mettre un terme à la prolifération législative. Elle affaiblit la loi, qui perd dans l’accumulation des textes une part de sa vigueur et, certainement son sens. Telles circonstances, tel imprévu, telle nouveauté ne sauraient dicter le travail du législateur. Car la loi n’est pas faite pour accompagner servilement les petits pas de la vie de notre pays. Elle est faite pour encadrer les tendances profondes, les évolutions importantes, les débats essentiels, et pour donner un cap. Légiférer moins, c’est consacrer plus d’attention aux textes fondamentaux, à ces lois venant répondre à un vide juridique, venant éclairer une situation inédite. C’est cela, le rôle du Parlement. Légiférer moins, c’est mieux allouer le temps parlementaire. C’est, en particulier, réserver de ce temps au contrôle et à l’évaluation. »

Les élections qui vont se dérouler le 30 Juillet n’auront de sens que lorsqu’elles seront des jalons dans l’exercice d’un pouvoir accompli pour des millions de personnes. Leur but devient le mouvement populaire lui-même. Ce mouvement sortira-t-il plus instruit, plus puissant ? Pourra-t-il investir les lieux de décisions en redéfinissant le mandat de l’élu devant chaque problème, y compris la gestion des ressources naturelles?

Pour jouer son rôle, Mankoo Taxawu Sénégal, avec l’onction populaire, enverra à l’Assemblée nationale une liste de députés qui, dans sa composition équilibrée, intègre toutes les couches de la population sénégalaise dans ses diversités ethnique, confessionnelle, confrérique, régionale, professionnelle. Un groupe de personnalités politiques aguerries qui ont occupé d’illustres responsabilités dans le pays : un ancien Premier ministre, d’anciens ministres, d’anciens députés, le Maire de Dakar, un ancien Vice-président de l’Assemblée Nationale, une présence massive de femmes et de jeunes. Les conditions sont réunies pour un débat sincère sur les questions transversales liées à notre bien-être et mettre de côté les considérations partisanes et le choc des égos hypertrophiés. Avec cette riche expérience, mais aussi avec le capital de confiance et de sympathie dont nous jouissons, nous irons loin et préparerons les batailles de demain.

 

Bes Du Niakk

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